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Luxtoday

Do. Be. Continue It : Comment l'imagination collective transforme une bande dessinée en une œuvre d'art vivante

Dernière mise à jour
18.12.25
Henri Schoetter
Henri Schoetter
Henri est un graphiste indépendant qui a suivi une formation en architecture, ce qui lui a permis d'acquérir un sens aigu des volumes, de l'espace et de la structure. Dessinant depuis sa plus tendre enfance, il cherche à combiner l'émotion et la réflexion plutôt que l'esthétique seule, développant des idées sur papier avant de les affiner numériquement.

Un entretien avec le créateur de DBC sur la narration collective, l'art public et une bande dessinée façonnée par les passants. CeCiL's Box, Luxembourg, installation interactive, art contemporain et conscience collective.

DBC artwork

DBC artwork

DBC – Do, Be, Continue it” propose une narration collective et évolutive. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’inviter les passant·e·s à façonner l’histoire plutôt que de conserver un récit dirigé uniquement par l’auteur ?

J’ai toujours voulu créer une BD. Et plus encore, une Bd qui change du narratif de base, unilatéral, où souvent “les bons” gagnent, et “les méchants” perdent. Comme j'entends “raconter une histoire” comme un acte très subjectif – surtout historiquement parlant, si l’on considère le récit parlé comme un vecteur pour transmettre des expériences et faits à une génération suivante ou future – et que chaque narrateur y met du sien, j’avais depuis longtemps en tête d’aller quelques pas plus loin et donner les rênes à une multitude de narrateurs avec différents vécus, différents désirs et personnalités.

C’est pour moi à la fois un “experiment" sociologique et une oeuvre d’art à conscience collective.

Comment abordez-vous l’idée de céder une partie du contrôle créatif à des contributeurs anonymes ?

Avec une grande joie! J’ai hâte de voir ce que les gens peuvent imaginer et ressentir.

Vous décrivez l’œuvre comme une relecture ludique et poétiquement énigmatique du “to be continued”.Quelles émotions ou réflexions souhaitez-vous susciter chez le public en interagissant avec l’installation ?

Comme c’est avant tout un choix de participer à ce projet en tant que narrateur ou intervenant, j’aimerai que ce soit un sain mélange de curiosité, de légèreté, de découverte de ses propres idées, envies et étincelles créatives. Plus encore, comme chaque processus créatif, cet geste d’imagination est pour beaucoup d’entre nous également un moment de découverte; autant au sens rationnel mais aussi irrationnel, à savoir de sa propre psyche.

C’est un dialogue interne à des fins de conversation externes et je suis sûr que ce sera surprenant!

Le projet, mis à jour régulièrement, devient le reflet d’une conscience collective.Certaines contributions vous ont-elles surpris ou orienté la narration dans une direction inattendue ?

Et voilà - vous reprenez le mot-clé de ce projet. A ce stade, avant le lancement officiel de la bd, Il n’y a pas encore de contributions. Une fois que la première page – imaginée par moi seul – sera affichée, les gens pourront imaginer la suite à partir du status quo et la narration ne m’appartiendra plus entièrement et deviendra une conscience collective.Pour être tout à fait honnête, j’estime qu’il est très dur de me surprendre. Mais je n’attends que ça.

La CeCiL’s Box est un espace d’exposition visible 24h/24 en plein centre-ville.En quoi le fait d’exposer dans l’espace public – plutôt que dans un lieu traditionnel – influence-t-il vos choix artistiques pour ce projet ?

Au niveau de la taille et du format je dirais. Puis notre monde bouge de plus en plus vite et les gens s’arrêtent moins en journée, donc il fallait choisir un format qui permet d’apprécier l’oeuvre à différentes vitesses: En passant, devant, sur son téléphone, chez soi.

D’où l’idée d’un QR code qui mène vers un site qui sera le medium pour lire la bd et la co-narrer.

Votre parcours mêle pharmacie, architecture, illustration, graphisme et peinture.Comment ces disciplines variées nourrissent-elles votre pratique actuelle, en particulier dans un projet hybride comme DBC ?

Excellent question. Je vais essayer de faire bref car je pourrais en parler durant des journées entières.

Pour moi, toutes ces disciplines sont liées par le simple fait de dépendre l’un de l’autre: La pharmacie se sert de d’une méthodologie méticuleuse pour comprendre et influencer l’architecture de la biologie.

L’architecture es sensée accueillir cette biologie et la faire fleurir dans le meilleur des cas, la guider, ou simplement lui donner un abri. Le graphisme, l’illustration et la peinture – bref, les arts visuels, donnent à la pharmacie et à l’architecture les moyens d’être vu, apprécié et compris par d’avantage de personnes (de sujets biologiques) que ceux qui y sont étroitement liés de par leur profession.

Pour tout cet orchestration, il faut un fil conducteur de base.

 mes yeux, ce sont deux choses fondamentales intrinsèques à tout ce qui existe: Du rythme et des proportions. Rien que par ces liens de nécessité et de structure, il est pour moi impossible de dissocier ces différentes disciplines. Pour ce qui est de leur influence dans mon travail, je citerai quelques mots-clé : la rigueur, l’experiment (cadré, dans des conditions définies), le jeu, la structure, le module,  la surprise… et j’en passe.

A vous de décider quel mot appartient à quel domaine.

Après près de vingt ans à l’étranger, vous êtes revenu au Luxembourg en 2024.Ce retour a-t-il influencé votre démarche artistique ou réveillé certains thèmes dans votre travail ?

Vous posez vraiment de bonnes questions.

Je pense que le fait de rentrer au Luxembourg a surtout fait que je travaille plus comme graphiste et un peu moins comme illustrateur. En revanche, Ce changement et le climat visuel au Luxembourg me motivent énormément à vouloir influencer ce qui est vu et créé ici. Il y a tellement à faire.

Les thèmes récurrents sont restés les mêmes dans les grandes lignes, mais ils ont changé de perspective. Un peu comme moi. Comme nous.

Votre œuvre aborde souvent l’intimité, le quotidien et les dynamiques humaines subtiles.Comment ces thématiques se manifestent-elles dans l’installation DBC, de manière explicite ou implicite ?

Ah, ça on va le découvrir ensemble.

Si je devais extrapoler, je dirai que déjà dans la démarche de la participation, via la communication entre l’installation, les participants et moi, il y aura des thématiques qui feront surface. Rien que par la façon dont les gens vont communiquer, il y aura des subtilités du quotidien qui influenceront le projet de façon implicite et subtile. Après tout, communiquer ses pensées et idées est déjà un acte assez intime en soi pour le narrateur. Même si il se fait dans l’anonymat.

Je pense que le "ton et les couleurs” autant que le contenu des idées et propositions des gens auront un énorme impact sur comment les thèmes du quotidien vont faire surface dans la BD. Après tout, je suis très sensible aux émotions des gens.

Votre processus créatif commence souvent par le dessin avant d’évoluer vers le numérique.Comment ce processus s’adapte-t-il à une œuvre “vivante”, continuellement transformée par les propositions du public ?

  • Croquis au bic en 2 min pour avoir un feeling de l’espace que vont occuper les idées.
  • Planche en crayon pour la structure et le rhythme.
  • Digital (sauf si j’ai envie de rester organique, alors on passe à l’encre et au scanner).

Enfin, que diriez-vous à une personne qui découvre la CeCiL’s Box pour la première fois ?
Comment l’inviteriez-vous à interagir avec DBC

Comme dans le slogan: Do. Be. continue it.

Regarde d’abord. Observe. Observe ce que ça suscite en toi. Mais pas trop. Laisse-toi aller et gribouille tes idées, tes emotions. Raconte-toi tes peurs, tes souhaits, tes délires, tes fou-rires. Tout ce que tu veux. Je t’écouterai. Et on racontera ça aux autres ensemble

En moins poétique ce serait: Si la page t’as rendu curieux et/ou t'inspire, scanne le QR code et puis rendez-vous sur le site dobecontinueit.com pour lire la suite et participer.

J’en serai ravi.

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Dernière mise à jour
18.12.25

Auteurs: Alex Mort