Le Luxembourg pourrait commencer à exproprier des logements

Naomi Hébert, Unsplash
Le 8 mai, le ministre du Logement, Claude Meisch, a présenté des amendements à la loi 2023 sur le logement abordable avec une innovation importante : ces projets peuvent désormais être reconnus d'utilité publique. Il ne s'agit pas d'une simple formalité : cette classification ouvre la possibilité légale d'appliquer l'expropriation, c'est-à-dire l'aliénation de la propriété privée dans des cas exceptionnels. Le ministère a confirmé cette possibilité le 28 mai, commentant les changements dans le cadre de la nouvelle réalité constitutionnelle, selon laquelle le droit à un logement décent est devenu une valeur constitutionnelle.
Comme l'expliquent les autorités, la notion d'"utilité publique" est plus étroite et plus spécifique que celle d'"intérêt général". Alors que l'"intérêt général" couvre toutes les activités publiques, le statut d'"utilité publique" ne s'applique qu'à des projets de construction ou d'infrastructure spécifiques. Il s'agit d'un instrument juridique défini par des critères objectifs, qui peut s'avérer particulièrement important lors de la prise de décisions concernant l'aliénation.
Néanmoins, le gouvernement insiste sur le fait que l'expropriation ne sera utilisée que dans des cas extrêmes, comme pour d'autres projets d'infrastructure tels que la construction de routes ou d'écoles. Ceci est également confirmé par la position du ministère de la politique du logement : le nouveau projet de loi devrait mettre l'accent sur la priorité des tâches de logement, mais sans intrusion inutile dans la propriété privée.
Georges Krieger, président de l'Union luxembourgeoise des propriétaires immobiliers (ULPI), n'est pas d'accord avec cette approche. Dans une interview, il s'est dit préoccupé par le fait que la possibilité d'expropriation constitue une "violation du droit de propriété" et ne devrait, selon lui, être utilisée qu'en dernier recours. Or, c'est précisément la stratégie qu'affirme le gouvernement.
La reconnaissance du logement abordable comme une question "d'utilité publique" peut être considérée comme un changement juridique et politique, passant d'une préoccupation déclarative pour le logement à une approche instrumentale. L'État a montré sa volonté d'agir, en utilisant des mécanismes plus décisifs, tout en essayant de maintenir un équilibre entre les besoins collectifs et la protection de la propriété privée.