Comment les finances luxembourgeoises sont numérisées

Gilles Roth, source: Government.lu
Dans une interview accordée à la publication allemande Börsen-Zeitung, le ministre luxembourgeois des finances, Gilles Roth, a résumé les résultats du placement des premiers instruments de dette numérique du pays - le certificat de trésorerie numérique, émis à l'aide de la technologie du grand livre distribué (DLT). Selon le ministre, l'intérêt des investisseurs a été élevé, en particulier de la part des banques et des gestionnaires d'actifs, et la demande est venue principalement d'Europe - tout comme pour les obligations d'État traditionnelles du pays.
Gilles Roth a souligné que le placement de l'obligation n'était pas tant un pas vers le crowdfunding qu'une démonstration des capacités techniques et juridiques du Luxembourg en matière de finance numérique. L'obligation a été placée entièrement en droit luxembourgeois, via la plateforme Orion basée dans le pays. Toutefois, le ministère n'exclut pas d'émettre à l'avenir des titres à plus longue échéance.
Selon M. Roth, la question de la numérisation de la dette publique à l'avenir est étroitement liée à l'introduction de l'euro numérique, sans lequel les instruments DLT ne peuvent être pleinement compatibles avec les règlements de la banque centrale. Selon lui, la perspective d'un refinancement entièrement numérique du pays est réaliste, mais seulement si l'ensemble de la chaîne d'émission et de règlement est automatisé et passe par la banque centrale.
Roth a rappelé que le Luxembourg est déjà activement utilisé pour le placement d'instruments DLT par des entités privées. Il s'agit notamment des fonds tokenisés de Franklin Templeton et de BNP Paribas, ainsi que de cinq émissions d'obligations numériques de la Banque européenne d'investissement. Depuis 2022, la Bourse de Luxembourg soutient déjà la cotation de tels instruments sur sa liste (liste SOL).
Le ministre a expliqué que le passage à la DLT donne aux émetteurs une chaîne de règlement plus rapide : alors que dans le système traditionnel le règlement prend des jours, avec les titres numériques et les monnaies tokenisées, il est possible de payer le jour même. Cela réduit les risques de contrepartie et augmente la liquidité. La DLT ouvre également la voie à la négociation fractionnée, en divisant les actifs en petites fractions, ce qui les rend accessibles même aux petits investisseurs.
Selon M. Roth, la quatrième loi sur la blockchain (Blockchain-4), récemment adoptée, a placé le pays à l'avant-garde de la réglementation juridique des actifs numériques. La loi prévoit la nomination d'un agent de surveillance, une entité agréée qui surveille l'émission, la propriété et le mouvement des titres numériques. Cela apporte une clarté juridique et constitue une alternative au système traditionnel avec des dépositaires centraux et des sous-comptes.
"Nous voulons créer le modèle le plus efficace d'émission et de circulation des titres. Il s'agit d'un processus à long terme, mais il a déjà commencé - et il ne peut pas être arrêté", a résumé le ministre.