Satire, scandale et Moyen-Orient : comment un post Instagram est devenu la base d'une affaire pénale au Luxembourg

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Le Luxembourg est au cœur d'un rare conflit à l'intersection de la politique, de la liberté d'expression et de la satire numérique. Le ministre des affaires étrangères, Xavier Bettel, a déposé une plainte pénale à la suite d'un post Instagram ironique qui, selon lui, a dépassé les limites de l'acceptable.
Le 26 septembre 2025, le compte du magazine en ligne indépendant déi aner ("les autres") a publié un collage représentant Bettel dans une kufiya palestinienne, avec du maquillage, une cravate aux couleurs du drapeau palestinien et la légende "DO NOT TRUST HER", une citation de la comédie culte pour adolescents Mean Girls (2004). Ce langage visuel se moque de l'identité sexuelle de Bettel, tout en portant un coup dur à sa position sur le conflit de Gaza.
Selon les médias, Gabrielle Antar, ancienne journaliste, militante et ancienne présidente du Conseil national des femmes, pourrait être à l'origine de cette publication. Elle affirme qu'elle n'a pas créé l'image, mais qu'elle a pris la responsabilité de sa diffusion. La publication déi aner se décrit elle-même comme "un magazine web alternatif axé sur les jeunes et les marginaux" et souligne que le post est une forme de satire politique protégée par la liberté d'expression.
Le collectif a déclaré que l'image critiquait la position de Mme Bettel sur Israël et Gaza, en particulier les accusations de "pinkwashing" (tentatives de l'État d'utiliser des politiques LGBT progressistes pour détourner l'attention des violations des droits de l'homme, dans ce cas contre les Palestiniens). Selon eux, ils auraient été prêts à retirer le message s'ils avaient été contactés personnellement par le ministre, mais ce contact n'a pas eu lieu.
Entre-temps, le ministère luxembourgeois des affaires étrangères a déclaré que la plainte avait été transmise au bureau du procureur, mais ce dernier a affirmé qu'il ne l'avait pas encore reçue officiellement. Une enquête n'a donc pas encore été ouverte et on ne sait pas si l'affaire relèvera de la définition d'une infraction pénale en vertu de la législation luxembourgeoise.
Xavier Bettel, pour sa part, a publiquement qualifié Antar de "radicalisé" et a promis que toute indemnisation accordée en sa faveur serait versée à la plateforme de lutte contre la radicalisation Respect.lu.
Cependant, le post Instagram n'était que la partie émergée de l'iceberg. Ces derniers mois, M. Bettel a été de plus en plus critiqué par les activistes, en particulier après l'escalade de la situation à Gaza. Début octobre, un autre incident s'est produit : alors qu'ils dînaient avec des collègues du Parti démocrate (PD) dans une terrasse luxembourgeoise, des militants ont publiquement accusé le ministre de soutenir le génocide de Gaza et ont exigé une réaction à l'arrestation de Nora Rosa Fellens Huberty, une militante luxembourgeoise détenue par l'armée israélienne pour avoir participé à l'initiative pro-palestinienne de la flottille Global Sumud. Une vidéo de l'affrontement est rapidement devenue virale sur les réseaux sociaux.
Cette situation a mis le gouvernement dans une position délicate. D'une part, M. Bettel est l'un des hommes politiques luxembourgeois les plus en vue, connu pour son programme progressiste, notamment en ce qui concerne les droits des LGBT. D'autre part, sa position sur Israël et son indécision sur Gaza ont été fortement critiquées par les nouveaux médias et les activistes qui perçoivent son silence comme une complicité politique.





