La Cour européenne des droits de l'homme et le Luxembourg : des affaires importantes qui ont changé le paysage juridique du pays
La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a été saisie d'un certain nombre d'affaires importantes concernant la liberté d'expression, le droit à un procès équitable, les droits de propriété et la protection contre la discrimination. L'expérience du Luxembourg devant la Cour européenne des droits de l'homme reflète ses efforts pour trouver un équilibre entre les intérêts de l'État et les droits individuels en vertu de la Convention européenne des droits de l'homme, que le pays a ratifiée en 1953.
En 2023, la Cour européenne des droits de l'homme a examiné 27 affaires concernant le Luxembourg, dont deux seulement ont révélé des violations des droits de l'homme. À la mi-2024, 17 nouvelles affaires sont pendantes, ce qui indique des difficultés persistantes dans le respect des droits des citoyens dans le pays.
Raphael Hale, ancien employé de PricewaterhouseCoopers (PwC) au Luxembourg, a été reconnu coupable d'avoir transmis à un journaliste des documents fiscaux confidentiels qui révélaient des montages fiscaux lucratifs pour de grandes entreprises ;
Ces informations ont attiré l'attention du public et suscité un débat sur la transparence et la justice fiscales. La Cour européenne des droits de l'homme a estimé que la condamnation de M. Hale violait son droit à la liberté d'expression garanti par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, soulignant que l'importance publique de l'information l'emportait sur les exigences du secret professionnel.
L'affaire Schneider c. Luxembourg portait sur le conflit entre le droit de propriété et le droit à la liberté d'association avec des convictions éthiques personnelles. Catherine Schneider, une ressortissante luxembourgeoise fortement opposée à la chasse pour des raisons éthiques, a contesté l'inclusion de sa propriété dans un syndicat de chasse en vertu d'une loi de 1925. Mme Schneider a fait valoir que l'adhésion obligatoire violait son droit de propriété et sa liberté d'association, citant la décision précédente de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Chassagneux c. France, qui a reconnu la validité du refus de l'adhésion obligatoire à des associations de chasseurs sur la base d'objections d'ordre éthique.
La Cour européenne des droits de l'homme a jugé que l'adhésion forcée violait les droits de Mme Schneider parce qu'elle la privait de la capacité de disposer librement de ses biens et qu'elle était contraire à ses convictions morales. La Cour a noté que le système de vote, qui lui permettait théoriquement de se retirer du syndicat, était en fait irréalisable en raison de la nécessité d'un vote à la majorité, et que l'indemnité offerte (3,25 euros par an) n'était pas adéquate compte tenu de son objection éthique. La Cour européenne des droits de l'homme a donc conclu que le système des syndicats de chasse au Luxembourg imposait une charge excessive aux propriétaires en ne prévoyant pas de mécanismes suffisants pour protéger les droits individuels sur la base d'objections éthiques.
Dans l'affaire Saint-Paul Luxembourg S.A. c. Luxembourg, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a examiné une plainte pour violation de la liberté d'expression (article 10) et du droit à l'inviolabilité du domicile (article 8) à la suite d'une perquisition à la rédaction de Contacto Semanário, un journal de langue portugaise publié par Saint-Paul. La perquisition a été initiée suite à la publication d'un article faisant référence à des travailleurs sociaux et à des situations impliquant des mineurs, qui a éveillé des soupçons et a donné lieu à une plainte pour diffamation.
La Cour européenne des droits de l'homme a reconnu que les actions de la police violaient le droit à la confidentialité et la liberté de la presse, soulignant que la protection des sources est au cœur de l'activité journalistique. La Cour a déclaré que des mesures telles qu'une perquisition impliquant l'installation d'une clé USB sur l'ordinateur d'un journaliste étaient disproportionnées et auraient pu décourager les sources de coopérer avec les médias. Cette affaire souligne que dans les enquêtes impliquant la presse, un équilibre doit être trouvé entre l'intérêt public et la protection des droits des médias en tant que "chien de garde", qui doivent rester indépendants et protégés.
L'affaire Hale souligne l'importance de la transparence et de l'intérêt public dans les affaires concernant les grandes entreprises et leurs pratiques fiscales. L'affaire Schneider a montré un conflit rare où les réglementations gouvernementales entrent en conflit avec les croyances personnelles, démontrant la volonté de la Cour européenne des droits de l'homme de protéger les croyances des citoyens en matière de propriété.
Ces affaires montrent la dynamique du paysage juridique luxembourgeois, où le pays devra encore améliorer ses politiques internes pour se conformer aux normes européennes en matière de droits de l'homme. Ces actions sont particulièrement importantes dans le contexte de la présidence luxembourgeoise du Conseil de l'Europe pour les six prochains mois. Mercredi déjà, le ministre des Affaires étrangères Xavier Bettel devrait énoncer les priorités du Luxembourg et de l'ensemble du Conseil de l'Europe pour les six prochains mois lors de la cérémonie de passation de la présidence.