

Fermes urbaines et agritech : exemples d'agriculture urbaine au Luxembourg
Entre 2023 et 2025, le Luxembourg accueillera plusieurs projets marquants qui démontrent le potentiel de l'agriculture urbaine. Dans cet article, nous examinons cinq des exemples les plus remarquables - des éco-quartiers autosuffisants aux fermes verticales et aquaponiques - et découvrons comment l'État les soutient.
Le Luxembourg est l'un des plus petits pays d'Europe, mais même ici, la tendance à l'agriculture urbaine prend de l'ampleur. Fermes urbaines, serres high-tech et autres projets agricoles se multiplient dans la capitale et ses environs. Ces initiatives visent à rapprocher la production alimentaire des consommateurs, à réduire l'empreinte écologique des produits et à offrir aux citadins un lien avec la nature sous une forme modernisée et actualisée.
Un éco-quartier à vocation agricole : le projet Kuebebierg
L'un des projets les plus ambitieux est le nouvel éco-quartier de Kuebebierg, à la périphérie de la capitale. Dans ce quartier, dont la construction a débuté en 2023, les autorités de la ville ont décidé d'intégrer l'agriculture dans l'environnement urbain à partir de zéro. Sur une surface d'environ 30 à 33 hectares, 3 000 nouveaux logements seront construits, avec de véritables fermes et jardins à côté des maisons. Les récoltes de ces potagers urbains et de ces mini-fermes fourniront principalement des légumes frais, des fruits et des herbes aromatiques aux habitants.
La particularité du projet est que les fermes feront partie de l'infrastructure du quartier. Dès 2024, les premiers agriculteurs urbains commenceront à travailler sur le site : ils défricheront les plates-bandes, planteront des jardins et élèveront même du petit bétail. Il est prévu d'élever des poulets et des lapins dans de petits enclos. Les habitants du quartier pourront ainsi se procurer des œufs frais et de la viande. L'installation complète du quartier est prévue pour 2028, date à laquelle la construction des logements sera achevée et les premières familles emménageront.

Pourquoi la ferme est-elle située ici ? Le quartier de Kuebebierg est situé sur la colline de Kirchberg, entouré d'espaces verts et de forêts, à proximité du quartier des affaires. Le promoteur (la fondation Kirchberg) souhaitait relier la ville à la nature et créer une oasis agricole "vivante" entre les tours de bureaux et les immeubles résidentiels. Le projet de ferme a bénéficié d'un financement d'environ 5 millions d'euros, et jusqu'à 5 hectares de terrain dans le quartier ont été alloués à des terres agricoles. Il est prévu qu'environ 2 hectares soient occupés par des vergers (pommiers et autres arbres fruitiers), 2 autres hectares par des prairies et des ceintures forestières, et environ 1 hectare sera alloué à une zone récréative avec un potager communautaire et des aires de jeux.
Il est important que la ferme urbaine de Kuebebierg ne soit pas seulement un potager, mais un centre de vie communautaire et d'éducation. Les futurs exploitants de la ferme (le concours pour les trouver a été annoncé au début de l'année 2023) devraient être non seulement des agronomes, mais aussi des sortes d'animateurs pour les habitants du quartier. Ils seront notamment chargés d'organiser des programmes éducatifs pour les écoliers, des classes de maître sur le jardinage, des éco-festivals de la récolte, etc. L'objectif est de montrer aux habitants le chemin de l'alimentation "du lit à l'assiette", d'encourager le respect de la nature, d'apprendre aux enfants à prendre soin des plantes et des animaux. Ce n'est pas sans raison que le projet a des fonctions pédagogiques : la ferme deviendra une plateforme où les habitants pourront participer aux plantations, apprendre à composter les déchets et comprendre les principes d'une alimentation durable.
Au cours de l'été 2025, dans le cadre de l'exposition horticole nationale LUGA (Luxembourg Urban Garden), une ferme urbaine temporaire a été installée sur le site du futur quartier Kuebebierg. Elle a permis aux visiteurs d'avoir un premier aperçu de ce que sera l'agroquartier : des serres de légumes, des parterres d'herbes aromatiques, des arbres fruitiers, des poulaillers mobiles et même un petit troupeau de moutons. Ces derniers ont d'ailleurs remplacé les tondeuses à gazon, contribuant ainsi à réduire la pollution sonore. Des étudiants de l'université du Luxembourg ont aidé à surveiller la croissance des plantes à l'aide de drones et ont étudié l'écosystème de la ferme. Ainsi, Kuebebierg montre déjà comment "ville et campagne" peuvent coexister et bénéficier l'une à l'autre. L'expérience de cette ferme devrait s'étendre à d'autres régions du Luxembourg à l'avenir. Elle s'inscrit dans le droit fil de la stratégie nationale en matière d'agriculture urbaine et de l'objectif visant à rendre l'alimentation plus locale et plus durable.
Ferme sur le toit : hydroponie à Bettembourg
Un autre exemple digne d'intérêt de l'agriculture urbaine au Luxembourg est une ferme sur le toit équipée d'une serre hydroponique moderne. À Bettembourg, au sud de la capitale, une ferme urbaine de 380 m² située sur le toit d'un des bâtiments administratifs (Building Economic Development Board) sera opérationnelle en 2023. Le projet faisait partie de l'initiative européenne GROOF (Greenhouses to Reduce CO₂ on Roofs), un programme qui explore le potentiel des serres sur les toits pour réduire l'empreinte carbone.
La serre hydroponique située sur le toit est gérée par Aurel & ; Axel, une jeune entreprise fondée par des passionnés d'agriculture urbaine. Grâce à la technologie de culture hors-sol (hydroponie), ils cultivent des herbes, des épices et même des champignons tout au long de l'année - et ils le font sans terre, sur une solution nutritive, avec un cycle d'eau fermé. La serre est conçue pour être économe en énergie : le double vitrage retient la chaleur, la récupération de l'eau de pluie assure la majeure partie de l'irrigation et le dioxyde de carbone émis par le bâtiment peut être utilisé par les plantes pour la photosynthèse. De cette manière, un bâtiment urbain est également transformé en ferme et son espace inutilisé est utilisé à bon escient.
Le projet a rapidement été reconnu pour sa créativité et son originalité. En mars 2023, l'initiative GROOF a été récompensée par le prix international Energy Globe pour sa contribution au développement durable. Cela confirme que les serres sur les toits ne sont pas seulement exotiques, mais qu'elles constituent un moyen prometteur de cultiver des aliments plus près du consommateur, en économisant les ressources foncières et en réduisant les transports. Les récoltes de la ferme intérieure sont déjà livrées aux restaurants et magasins locaux, ce qui prouve la viabilité commerciale de ce modèle. Qui plus est, l'expérience acquise sera appliquée à de nouvelles fermes modulaires : la même société Aurel & ; Axel se prépare à construire une ferme plus grande dans le quartier de Kuebebierg mentionné plus haut. Il s'agit en fait de "piloter" la technologie sur un toit pour ensuite l'étendre au sol dans un nouvel éco-quartier.
Butées verticales Fitotech
L'agro-technologie moderne au Luxembourg est développée non seulement par des initiatives gouvernementales, mais aussi avec le soutien d'entreprises privées. La ferme verticale Fitotech, lancée en 2023, en est un excellent exemple. Fitotech est une startup locale spécialisée dans la culture hydroponique de légumes verts et d'herbes aromatiques dans un environnement contrôlé. Il s'agit essentiellement d'une ferme verticale d'intérieur : les plantes sont cultivées non pas dans des champs, mais sur des étagères à étages, avec un éclairage artificiel et un arrosage automatique. Grâce à des capteurs qui contrôlent la température, l'humidité et la lumière, chaque brin d'herbe pousse dans des conditions idéales, sans engrais chimiques ni pesticides.
Fin 2023, la ferme verticale Fitotech a conclu un partenariat avec Grosbusch, un grand distributeur de produits frais basé au Luxembourg. Les microgreens, salades, basilic, menthe et autres herbes cultivés dans la ferme sont désormais livrés directement de la ferme au centre de distribution de Grosbusch, d'où ils sont envoyés aux supermarchés et aux restaurants du pays. Cette coopération profite à tous : le trajet de la ferme à l'assiette est raccourci, les émissions dues au transport sont réduites et les consommateurs bénéficient des herbes les plus fraîches possibles, qui sont cultivées tout au long de l'année au Grand-Duché.

Une ferme verticale est généralement installée dans un espace compact et modulaire (par exemple, un conteneur d'expédition ou un entrepôt converti). Elle utilise 90 % d'eau en moins que l'agriculture traditionnelle et est indépendante des saisons. Fitotech met l'accent sur la durabilité : elle utilise des énergies renouvelables, minimise les déchets et utilise des matériaux recyclables pour l'emballage. Le fait qu'une unité de haute technologie puisse fournir des centaines de kilos de légumes-feuilles frais tout au long de l'année impressionne les détaillants. Les magasins luxembourgeois peuvent proposer des produits locaux au lieu de produits importés, ce qui soutient l'économie locale.
Il convient de noter que dans ces systèmes verticaux, les plantes poussent plus rapidement grâce à un spectre lumineux optimal et à une alimentation constante. Dans le même temps, il n'y a pratiquement aucun risque de parasites ou de maladies (l'environnement fermé protège la culture). Ces fermes sont un exemple parfait d'agrotech en action, où l'informatique et l'ingénierie sont au service de l'agriculture. Le projet Fitotech a ainsi reçu le soutien d'investisseurs et s'inscrit dans une tendance générale : dans de nombreux pays européens, des fermes verticales apparaissent à proximité des villes, et le Luxembourg n'est pas en reste.
Fësch Haff : symbiose entre les poissons et les plantes
L'exemple suivant nous amène à un nouveau type de ferme qui combine l'aquaculture et l'hydroponie. L'aquaponie est une technologie dans laquelle les poissons et les plantes poussent dans un seul écosystème fermé : les poissons rejettent de la matière organique dans l'eau, les bactéries transforment cette matière en engrais qui nourrit les plantes, et les racines des plantes filtrent et purifient l'eau, qu'elles renvoient aux poissons. Au Luxembourg, des passionnés ont créé la startup Fësch Haff (traduite par "Ferme à poissons" au Luxembourg) pour présenter l'aquaponie comme un modèle durable d'agriculture urbaine.
Le projet Fësch Haff a démarré avec une installation pilote et a attiré le soutien du gouvernement - en recevant une subvention de recherche et développement du ministère des affaires économiques en 2022-2023. L'équipe de jeunes fondateurs a construit sa première ferme aquaponique, Horizon Farms, à Greiveldange, un petit village où un complexe de serres de haute technologie a été installé. À l'intérieur de la serre se trouvent des réservoirs contenant des poissons (par exemple des truites ou des tilapias) et des lits de plantes en gradins (légumes à feuilles, herbes aromatiques, baies). Le système ne génère pratiquement aucun déchet : l'eau circule en cercle, les poissons reçoivent de l'eau propre et les plantes sont nourries naturellement par les déchets des poissons.

Pourquoi l'aquaponie est-elle intéressante pour l'agriculture urbaine ? Parce qu'elle permet de cultiver à la fois des protéines alimentaires (poissons) et des produits végétaux dans une zone limitée, sans sol et de manière très efficace en termes de ressources. Fësch Haff affirme que sa ferme n'utilise ni pesticides ni antibiotiques, qu'elle ne produit aucun écoulement de nitrates dans l'environnement et que l'ensemble du système est économe en énergie et peut fonctionner même dans les zones urbaines. En outre, la ferme est orientée vers la communauté : l'équipe organise des ateliers éducatifs, montre aux écoliers et à toute personne intéressée comment fonctionne cette mini-biosphère et organise des dégustations des légumes verts cultivés. En fait, il s'agit également d'un projet pilote qui vise à démontrer la viabilité de l'aquaponie dans le contexte luxembourgeois et à ouvrir la voie à son expansion.
D'ici 2024, Fösch Haff prévoit déjà de s'agrandir : de nouveaux sites sont envisagés (des fermes potentielles à Wiltz, Beyren, Roeser, etc. sont mentionnées). Le projet est intégré dans des programmes d'accélération (par exemple au Technoport) et bénéficie du soutien d'experts du ministère de l'agriculture. Cela montre que le gouvernement envisage l'aquaponie comme un élément de l'agriculture durable de demain. Pour le Luxembourg, où les terres sont rares mais où il existe une demande de produits locaux frais, ces systèmes en boucle fermée pourraient devenir l'un des principaux modèles de production agricole.
Concepts expérimentaux
Outre les projets déjà en cours, des concepts innovants d'agriculture urbaine émergent également au Luxembourg et sont en phase pilote ;
L'une d'entre elles est l'initiative Urban Famill, qui propose de transformer les espaces urbains en oasis de verdure à l'aide de fermes installées dans des conteneurs de fret maritime. L'idée est d'équiper des conteneurs standard pour la culture aéroponique ou hydroponique en les dotant de lampes LED, d'un système de contrôle du climat et d'un système d'arrosage automatique. Ces fermes compactes en conteneurs peuvent facilement être placées en ville - dans un parking, dans une cour, près d'un centre commercial - et elles produiront des légumes frais tout au long de l'année, en utilisant un minimum d'eau et sans dépendre des conditions météorologiques ;
Le projet Urban Famill est conçu comme un moyen d'impliquer les citoyens dans l'agriculture durable : chacun peut observer les cultures mûrir à l'intérieur du conteneur et peut-être même louer un petit module pour ses propres plantations. L'initiative en est encore au stade du développement et de l'investissement, mais les premiers conteneurs de démonstration ont déjà été présentés au public et ont suscité un vif intérêt.
Une autre tendance notable est celle des "serres intelligentes" à usage domestique. Des startups proposent aux citadins de petites serres automatisées qui peuvent être installées à la maison ou sur le toit et produire leur propre récolte de salades et de tomates presque sans effort. Par exemple, la technologie promue par MyFood combine des panneaux solaires, des capteurs IoT et l'aquaponie pour créer une mini-ferme autogérée.
Cette serre régule elle-même le climat, rappelle au propriétaire les semis et les récoltes via une application mobile et permet à une famille de 3-4 personnes d'avoir des légumes de leur propre jardin tout au long de l'année. Au Luxembourg, l'idée d'une "serre connectée" a été introduite il y a quelques années et testée dans une serre à l'extérieur d'un magasin agricole à Pall Centre. Aujourd'hui, dans les années 2020, ces solutions deviennent plus abordables et l'intérêt pour le jardinage urbain à domicile augmente - surtout après la pandémie, lorsque de nombreuses personnes pensent à l'autonomie alimentaire.
Soutien de l'État aux fermes urbaines
Le gouvernement luxembourgeois a soutenu activement l'agriculture urbaine. Tout d'abord, des initiatives stratégiques sont mises en œuvre : par exemple, une stratégie nationale pour l'agriculture urbaine a été élaborée, qui vise à développer des projets alimentaires au sein de la ville et à introduire les principes de l'économie circulaire dans la nutrition. Sous les auspices du ministère de l'agriculture et de l'environnement, des événements tels que l'exposition LUGA 2025 sont organisés pour promouvoir le jardinage urbain et les solutions écologiques auprès de la population.
Deuxièmement, en 2025, le gouvernement a promu une nouvelle loi sur le secteur agricole, qui facilitera la création de grandes serres et augmentera le soutien financier aux exploitations maraîchères. Auparavant, des restrictions étaient en place (jusqu'à il y a 10 ans, les serres étaient limitées à 250 m², ce qui les rendait non rentables). Aujourd'hui, la réglementation est en cours de révision : il est admis qu'une serre moderne doit avoir une superficie d'au moins 3 000 m² pour être rentable et être équipée de systèmes de contrôle climatique, de ventilation et d'irrigation. L'État prévoit de subventionner les grands projets de serres, ce qui ouvre la voie au développement de nouvelles fermes urbaines, en particulier à la périphérie des villes.
Troisièmement, le financement et les subventions. Les entreprises agro-industrielles innovantes peuvent compter sur le soutien de programmes du ministère de l'économie et de fonds spécialisés. L'entreprise Fësch Haff, déjà mentionnée, a reçu une subvention pour l'innovation, tandis que d'autres projets peuvent bénéficier de prêts avantageux ou d'une place dans des incubateurs d'entreprises (par exemple, le Technoport pour les projets technologiques). Il existe également des plateformes de conseil, telles que l'incubateur de fermes urbaines, qui fournit des conseils sur la manière de créer une ferme urbaine, y compris sur les aspects juridiques et techniques.
Enfin, l'intégration dans la planification urbaine est une forme de soutien extrêmement importante. L'exemple de Kuebebierg montre que les structures étatiques et l'administration de la ville sont prêtes à allouer des terres pour les fermes dans les nouveaux quartiers, à inclure des zones agricoles dans les plans de développement, à investir des fonds budgétaires dans de telles installations dans le cadre de l'infrastructure (au même titre que les parcs, les routes et les écoles). Cette approche facilite grandement l'émergence de fermes urbaines, car l'un des principaux problèmes dans les zones densément peuplées est de trouver des terrains disponibles. Lorsque les autorités initient elles-mêmes la création d'une ferme sur un terrain municipal et recherchent des exploitants, cela donne une forte impulsion au développement de l'industrie.

Foire aux questions (FAQ)
Qu'apportent les fermes urbaines à la ville et à ses habitants ?
Les fermes urbaines peuvent-elles nourrir tous les habitants de la ville ?
Comment le gouvernement luxembourgeois encourage-t-il la création de fermes urbaines ?
Les citoyens ordinaires peuvent-ils visiter les fermes urbaines ou y participer ?
Source: fondskirchberg.public.lu, luga.lu, cityfarmer.info, luxtimes.lu, verticalfarmdaily.com, siliconluxembourg.lu, grosbusch.lu, fesch-haff.lu, rtl.lu, cipu.lu
Les sources des photos utilisées: Unsplash, Fitotech, Fësch Haff



